Triste tristesse.

Le couteau est posé non loin de moi. La manche de mon pull fin est relevé jusqu’au coude. Je caresse mon avant bras de haut en bas doucement. Je passe mon index le long des cicatrices qui s’y étendent tout le long. Certaines sont encore toute récente. Elles me font encore mal quand j’appuie à des endroits bien précis. Ma dernière scarification ne remonte qu’à trois jours. Trois jours et me voilà de nouveau sur mon lit à avoir besoin encore de me le faire subir. Le temps entre chaque scarification se restreint de plus en plus. J’ai de plus en plus besoin de faire sortir toute cette tristesse de ce pauvre corps.

Je regarde encore une fois mon avant bras. Je ne peux décidément pas faire cela ici. Je rabaisse ma manche sur cette peau mutilée et découvre le deuxième bras. Un bandage y est encore. Je l’enlève doucement. La douleur est si forte qu’elle me fait grincer les dents. Je ne crie même plus à présent. Au début après chaque fois, je fondais en larme, je me mettais à me taper contre les murs. Plus maintenant. J’apprécie la présence de la douleur, j’en suis même dépendante. Je continue de le décoller, inspirant calmement profitant de chaque instant de cette sadique douleur.

Ma respiration est devenue heurtée. Je baisse mon regard. C’est encore pire ici. Le sang a à peine coaguler. Je passe mon doigt sur la cicatrice qui souffre tant. Elle était très profonde. J’essaye de me souvenir pourquoi je l’avais fait. Une grande tristesse m’envahit tout de suite de haut en bas. J’entrais mon ongle dans la plaie ce qui la fit rouvrir. Du sang commença à couler le long de mon avant bras. Un rire sortit d’entre mes lèvres. Je riais de plus en plus au fur et à mesure que mon ongle s’enfonçait dans la chair. Cette tristesse était un peu partit de mon corps. Je devais cependant faire plus. Me faire encore plus mal.

Je replaçais le bandage à sa place et m’emparais du couteau. Je le fis tournoyer au creux de ma main pendant que je réfléchissais à un endroit où je pourrais me le rentrer. Mes jambes ? Elles souffraient déjà beaucoup trop. Mon ventre ? J’hésitais sur ce dernier point. Je n’avais jamais essayer. J’avais un peu peur. Cependant d’après ces filles, on se sentait si bien après l’avoir fait à ce niveau ci. Je n’avais de toute façon plus de choix. Sois le ventre, sois la tristesse s’emparerait de moi. Je m’allongeais sur mon lit, calant bien ma tête sur un oreiller. Les jambes allongées, je relevais mon tee-shirt. Je portais le couteau sur mon ventre, m’arrêtant seulement à quelques millimètres de ma peau. Et si la douleur était insupportable ? Et si je ne pouvais résister à crier ? Déjà que mes parents doutent de quelque chose… je devais avant tout de laisser la moindre marque et surtout éviter qu’on m’entende. Je me relevais subitement et me déplaçais vers mon armoire. J’y pris une écharpe légère. Je me rallongeais dans la même position qu’avant sans oublier de mordre fortement dans le tissu. Cela empêchera les sons de trop se répandre.

Je replaçais le couteau à la limite de mon ventre. J’inspirais une dernière fois avant d’enfoncer ce morceau de métal dans ma chair. La douleur était telle que je dus resserrer mes dents autour du morceau de tissu. Des larmes ne tardèrent pas apparaitre le long de mes yeux. Je continuais d’appuyer toujours plus profondément que la fois d’avant. La tristesse qui plombait mon cœur n’arrivait pas à partir. Je sentais toujours au fond ce voile qui ne me permettait pas d’y voir clairement. Je traçais à présent des lignes profondes sur mon ventre. Je n’avais jamais été aussi loin. Mais quelle liberté on ressentait. Le sang coulait partout. Sur moi, sur mon jean, sur mes draps. Je serais obligée de tout changer. Ce n’était pas grave.

Je commençais enfin à ressentir ce synonyme de légèreté. Je ne ressentais presque plus la douleur. Mes membres étaient comme anesthésiés. Ils étaient lourd. Presque insupportables. Le couteau tomba à côté de mon corps stupéfié. J’essayais de me relever, pendant quelques secondes j’aperçus mon ventre. Je perdais beaucoup trop de sang. Les blessures étaient vraiment profondes. Ma tête tournait beaucoup trop. J’eus le réflexe d’enlever mon haut et le placer sur l’hémorragie. Malgré tout cela, je me sentais enfin libre. Je riais à pleine dent. Impossible de m’arrêter. Je commençais à ressentir ce que je recherchais depuis si longtemps. Ce vide. Être rien. Elles avaient donc raison. J’avais bien fait de les écouter.

Tout d’un coup la porte de ma chambre s’ouvrit de voler. Ma mère entra paniquée. Elle devait avoir entendu mes rires. Quand elle aperçut dans quelle position je me trouvais elle commença à crier. Je ne l’entendais pas. Elle me faisait vraiment de la peine à voir, à gesticuler ainsi. Moi j’étais vraiment bien là. Je n’étais plus triste. Je la vis sortir son cellulaire. Elle appelait les pompiers. Pff… cela ne servirait à rien à présent. Quoique qu’on me fasse, j’étais emprisonner dans un tourbillon que nul ne pourrait m’y faire sortir. "